111.
La scène avait un goût de déjà vu, mais il ne pouvait en être autrement. Ainsi fonctionne, dans toute sa gloire, la justice de notre pays.
Des mois s’étaient écoulés. Le second procès allait avoir lieu, sans doute plus sinistre encore que le premier. Le ministère public demeurait persuadé que j’étais coupable de meurtre et, puisqu’il insistait pour me faire comparaître une nouvelle fois, une bonne partie de la population s’était rangée à son sentiment.
Je continuais à porter mon C écarlate et j’avais l’impression qu’on m’arrachait, à grands coups de burin et de ciseau, des parcelles de vie. Je n’en finissais plus de souffrir.
J’arrivai au palais de justice escortée par Jennie, Barry et Norma. Barry et Norma formaient désormais un couple assez improbable, mais je les trouvais charmants et, curieusement, ils s’engueulaient assez rarement.
Une fois dans la salle d’audience, je me dirigeai d’un pas décidé vers la place que je connaissais si bien, à la table de la défense. Mon nouvel avocat était Jason Wade, de Boston.
Spécialiste des cas d’homicide et d’un pragmatisme à toute épreuve, il m’était sympathique. Il avait surtout l’avantage de ne pas être Nathan Bailford, désormais présent dans chacun de mes cauchemars.
Dieu que la vie est étrange !
Dans le public, j’entendis quelqu’un crier : « Maggie est en pleine forme ! « Maggie ! Comme si nous étions de vieux amis.
— C’est vrai, tu as une mine d’enfer, me chuchota Jennie.
Nous nous entendions encore mieux qu’avant. Jennie était l’une des rares personnes avec lesquelles on pouvait passer une nuit entière à discuter et uniquement discuter. C’était d’ailleurs ce que nous avions fait la veille, et Allie lui-même ne s’était pas couché avant 22 heures. JAM s’était reformé.
Le procès s’étira sur onze semaines. Voilà où passait l’argent du contribuable ! Les mêmes témoins firent les mêmes déclarations et seul le contre-interrogatoire, orienté différemment, apporta un peu de nouveauté au procès.
À mesure que l’été progressait, la salle se transformait en étuve, mais la chaleur ne me gênait pas, pas plus que la litanie des questions, toujours identiques, ni même la curiosité que suscitaient ma notoriété ou les ragots sordides de la presse.
Je voulais qu’on reconnaisse mon innocence et, plus encore, je voulais sortir du purgatoire dans lequel je vivais la torture depuis si longtemps.
Je savais bien que je n’étais pas coupable.
J’étais innocente.
Et j’aurais tout donné pour entendre prononcer ces mots une fois, rien qu’une fois.